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mercredi 18 juillet 2007

Affaire Opel, la CJCE ouvre une brêche dans le droit des marques

Dans une affaire ADAM OPEL / AUTEC AG, rendue le 25 janvier 2007 la Cour de Justice des Communautés Européennes avait à arbitrer entre les droits exclusifs détenus par le titulaire de la marque et les exceptions limitant ce droit au bénéfice des acteurs économiques souhaitant indiquer la provenance ou les caractéristiques d’un bien.

Aux termes de l’article 5 §1, b) de la Directive du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE - JO 1989, L40, p.1) telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, « La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires: a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ; b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque. »

Pour autant, ce droit exclusif est tempéré par l’article 6, §1 disposant que « le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires : a) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

Parfois, pour indiquer l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique (…) ou d’autres caractéristiques, il n’est pas d’autre choix que mentionner le nom de la marque déposée relative au bien concerné. Est-il alors possible de la reproduire ?

C’est précisément la question qui était soumise à l’interprétation de la CJCE dans une affaire, opposant ADAM OPEL (constructeur automobile et titulaire de la marque OPEL, enregistrée en Allemagne le 10 avril 1990 pour les véhicules automobiles et les jouets) et AUTEC AG (fabricant de modèles réduits téléguidés de voitures, sous la marque CARTONIC). ADAM OPEL ayant constaté qu’était commercialisé en Allemagne un modèle réduit au 1/24° et téléguidé de l’Opel Astra V8 coupé, sur la calandre duquel était apposée l’image du logo original Opel figurant sur le véhicule commercialisé par ADAM OPEL. La marque CARTONIC figurait de façon clairement visible sur la page de garde du mode d’emploi accompagnant chaque modèle réduit, ainsi que sur le devant de l’émetteur de téléguidage.

Dans l'arrêt riche d’enseignement du 25 janvier 2007, la Cour rappelle que l’usage d’un signe identique à la marque en cause ne doit pas porter atteinte à la fonction essentielle du droit exclusif accordé par la marque qui est « de garantir aux consommateurs la provenance du produit ». Le droit exclusif du titulaire de la marque a été octroyé pour protéger ses intérêts spécifiques. La CJCE décide ainsi que l’apposition par un tiers, sans autorisation du titulaire de la marque d’un signe identique à cette marque sur les modèles réduits de véhicule de la dite marque afin de reproduire fidèlement ces véhicules et de commercialiser les dits modèles réduits ne constituent pas l’usage d’une indication relative à une caractéristique de ces modèles réduits aux sens de l’article 6, §1, a) de la directive.

Il n’est donc pas exclu d’envisager, que dans d’autres circonstances de faits, dans lesquelles la marque originelle ne viserait pas les jouets ou les modèles réduits, et que les modèles réduits commercialisés par un tiers seraient destinés à des collectionneurs, la reproduction identique de chaque détail du véhicule original puisse éventuellement constituer une caractéristique essentielle de cette catégorie de produits, de sorte que l’article 6, §1, a) permettrait la copie fidèle de la marque. C’est alors sur le terrain du droit d’auteur (voire du dessin et modèle en cas de dépôt) attaché au design du véhicule lui-même que le fabriquant pourrait faire interdiction au fabriquant de modèle réduit, ce qui supposerait de démonter la titularité des droits d’auteurs ainsi que l’originalité du design.

On se souvient à ce propos en droit français de la technicité du droit d’auteur et de l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 1er juin 2005 infirmant le jugement rendu le 18 février 2004 par le Tribunal de Grande instance de Paris, qui avait condamné PGO (société située à Alès) à cesser de produire le « Speedster 1 », inspiré de la mythique Porsche 356 des années soixante (James Dean pris de passion pour les courses automobiles pendant le tournage de la Fureur de Vivre, acheta sa première Porsche 356 Speedster avant de la troquer contre une 550 au volant de laquelle il devait perdre la vie). Porsche n’ayant pu démontrer la transmission des droits entre la société qui avait diffusé le modèle et la société d’aujourd’hui, a vu son action déclarée irrecevable sur le fondement du droit d’auteur. Le modèle Porsche 356 n’étant plus ni fabriqué ni commercialisé depuis plusieurs décennies la Cour d’appel avait également rejeté l’action en concurrence déloyale et en parasitisme, contraignant Porsche à rembourser les dommages et intérêts accordés par les premiers juges.

D’où l’intérêt d'anticiper et de systématiquement garantir la traçabilité des droits d’auteur, notamment en cas de transmission …

© Xavier le Cerf - avocat

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